Les bois odorants (partie 2): les essences résineuses et les baumes
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Se tenir debout comme un arbre
Pour les taoïstes, l’homme a toute sa place dans l’univers, infini petit dans l’infini grand. Il doit vivre en harmonie avec la nature. L’enseignement des Sages chinois précise que faire comme la nature signifie tendre à la jeunesse éternelle puisque la nature est aussi belle et jeune à chaque nouvelle année. Dans la pratique du Qi Gong, prendre la posture de l’arbre est ainsi une invite à redécouvrir l’enracinement qui est en chacun de nous et le besoin d’élévation spirituelle.
Tel un arbre tout d’abord immobile, la posture permet de se concentrer avant de déployer son énergie à partir de son centre (le tronc de l’arbre) vers ses pieds (ses racines) et ses bras (ses branches), d’effectuer des exercices de respiration reproduisant le mouvement des branches et des feuilles dans le vent, de sentir la circulation de l’énergie telle la sève enfin de visualiser, de voyager à l’intérieur de son corps ou de méditer en s’ouvrant à toutes les perceptions. Devenir mobile dans l’immobilité. Tel est peut-être le secret des arbres.
Les essences résineuses et les arbres baumiers
Les baumes, les résines et les gommes résines sont des produits apparentés aux oléorésines. Ce sont des exsudats principalement constitués de composés résineux et de composés volatils (les huiles essentielles). Ils possèdent des propriétés cicatrisantes et anti-infectieuses.
Les espèces de conifères contiennent des oléorésines dans l’ensemble de leurs organes : aiguilles, bourgeons, cônes, bois et écorces.
Les oléorésines obtenues par gemmage des Pinus (pins) et des Larix (mélèzes) fournissent par distillation des essences de térébenthine dites des Landes, de Venise… selon l’origine locale ou botanique de leur production. La distillation laisse un résidu appelé colophane utilisée en papeterie pour ses propriétés collantes.
Certaines oléorésines exsudant des Abies (sapins) prennent le nom de baume comme celui dit du Canada (Abies balsamea) ou de l’Oregon du pin de Douglas (Pseudotsuga menziesii) qui est un faux sapin.
Les baumes exsudent également d’autres végétaux notamment de Lauraceæ : ainsi le baume de Caparrapi du Laurier géant de Colombie (Laurus giganteus), de Fabaceæ : baume blanc du Pérou (Myroxylon balsamum var. pererae), baume de Tolu (Myroxylon balsamum) et chez des Styracaceæ : baume benjoin du Siam ou du Tonkin (Styrax tonkinensis).
L’ambre jaune est aussi une oléorésine végétale mais fossilisée provenant de conifères de l’époque tertiaire c’est-à-dire de plus d’’un million d’années.
1. Bois, aiguilles et bourgeons de conifères
Le genre Pinus intègre une très grande quantité d’espèces connues en France. L’essence de pin est obtenue par distillation des copeaux provenant du bois de cœur, de la souche ou des racines.
L’huile essentielle de Pin sylvestre (Pinus sylvestris) contient surtout des monoterpènes (pinènes, limonène), des monoterpénols (bornéol) et des esters monoterpéniques (acétate de bornyle). Ses propriétés antibactériennes et rubéfiantes, antiseptiques respiratoires, expectorante sont connues depuis la nuit des temps. L’huile essentielle est utilisée en parfumerie pour son odeur typique, fraîche et résineuse.
Les aiguilles et les rameaux de sapin blanc ou sapin pectiné (Abies alba) contiennent une essence à odeur balsamique de forêt et de résine, les aiguilles de pin d’Alep (Pinus halepensis) fournissent également une huile essentielle utilisée en parfumerie.
2. Gommes et résines d’arbres et d’arbustes
Bien avant l’invention de la distillation, les plantes odorantes étaient utilisées dans des pratiques médicales ou des rites religieux : ainsi le bosem des Hébreux c’est-à-dire le baume, en réalité un mélange d’épices (cannelles, myrrhe, roseau odorant…) puis plus tard les substances odorantes venant du pays de Pount situé dans la Corne de l’Afrique. Les routes de l’encens relieront bientôt le Sud de l’Arabie à l’Inde et à l’Égypte des pharaons. Fumigations aromatiques et usage d’huiles parfumées obtenues par des techniques rudimentaires se répandront.
Les arbres à encens
Ils poussent sur les sols arides du Soudan, de l’Éthiopie et de la Somalie. Ces arbres du genre Boswellia sont de petites tailles et buissonnants. L’oliban est la résine aromatique qui coule des incisions ou des blessures du tronc ou des branches. L’extraction alcoolique de la résine donne l’absolue. Les huiles essentielles sont obtenues par distillation et les résinoïdes par extraction à l’hexane.
L’oliban de Boswellia serrata, originaire du Nord-Ouest de l’Inde, contient 2/3 de résine, 30% de gomme et 4% d’huile. Les acides boswelliques de la résine possèdent des propriétés anti-inflammatoires.
Les arbres à myrrhe
Ils appartiennent à la famille des Burseraceæ. Résines et gommes aromatiques s’écoulent à la suite d’une entaille ou parfois naturellement. La vraie myrrhe ou myrrhe amère se présente en globules de la grosseur d’une noisette. Elle est riche en monoterpènes acycliques (myrcène). Les Commiphora poussent le long des côtes somaliennes, en Érythrée ou au Yémen. Ce sont des arbres épineux, buissonnants.
En parfumerie, la myrrhe donne des résinoïdes dont l’odeur est épicée, balsamique. Le goût est amer. Elle sert de fixatif c’est à dire qu’elle est destinée à prolonger dans la temps la perception de la composition olfactive. L’essence donne une note orientale fleurie et s’associe avec l’encens, l’opopanax et le santal.
L’opopanax
Il provient d’un autre Commiphora : C. erythracea qui pousse également dans la Corne de l’Afrique. La gomme produite par une blessure de l’écorce de l’arbre est appelée opopanax ou myrrhe bisabol. La gommer résine est soluble dans l’alcool et donne un résinoïde qui, traité par distillation, donne l’essence dont l’odeur est balsamique, chaude et exotique qui entre dans la composition de parfums orientaux.
Le baume de copahu
C’est l’oléorésine du copahier originaire du bassin amazonien. Les Copaifera sont des arbres de taille moyenne de la forêt primitive. L’huile de baume de copahu est traditionnellement utilisée pour les infections de la gorge. Riche en β-caryophyllène, les baumes de copahu ou de copaïba sont immunostimulants et anti-inflammatoires. Son odeur est douce et sucrée, elle s’associe en parfumerie avec l’essence de parchouli ou comme fixateur.
La résine de benjoin
Il existe deux types de benjoins : le benjoin de Siam (Styrax tonkinenis) provenant de Thaïlande, du Laos, du Cambodge ou du Vietnam et le benjoin de Sumatra (Styrax benzoin). Les Styracaceæ sont des arbres des forêts tropicales.
La résine aromatique est obtenue par gemmage pendant plusieurs années consécutives puis l’arbre est abattu. Les benjoins sont riches en benzoates et en cinnamates. Ce sont des antiseptiques. Traité par des solvants volatils, le benjoin donne un résinoïde à l’odeur vanillée et caramélisée.
La note cuir, en parfumerie, est obtenue par l’utilisation des essences de styrax associées à l’essence de bouleau rectifiée, d’encens pyrogénées et d’essence de cade, toutes possédant des senteurs âcres et puissantes.
Le liquidambar
Le copalme d’Amérique mais aussi le storax de Formose et le storax du Levant ou d’Anatolie appartiennent tous au genre Liquidambar. Ce sont des arbres possédant des canaux résinifères dans leurs écorces et leurs bois exsudant des baumes odorants connus sous le nom de storax, riches en acide cinnamique d’odeur balsamique douce (qui calme les muqueuses enflammées en particulier respiratoires) mais ils sont très allergisant.
Le baume du Pérou du Myroxylon pereira
Le baume est issu de la sécrétion du tronc d’un arbre d’Amérique du Sud et Centrale (le baumier du Pérou abondant au Salvador). Il tire son nom du fait que la plupart de la production transitait par le Pérou avant son exportation en Europe. L’essence du baume est obtenue par distillation, le résinoïde à l’odeur vanillée et balsamique à l’aide d’un solvant volatil.
Le baume contient principalement des esters (benzoate et cinnamate de benzoyle) mais aussi des acides (acides cinnamique et benzoïque), ce qui est remarquable et sous-entend une action puissante, enfin des alcools (sesquiterpénols) dont le transnéridol qui agit sur l’immunité et a un tropisme hormonal, enfin de la vanilline, molécule complexe à plusieurs fonctions (phénol, aldéhyde et phénol-méthyl-éther). Le baume a des actions multiples, on retient aujourd’hui une action balsamique et anti inflammatoire.
Il est notamment remarquable pour traiter les alvéolites en dentisterie. La mèche introduite au niveau de l’alvéole doit être imprégnée de baume du Pérou pur.
Nous reviendrons prochainement plus longuement sur ce magnifique baume.
Le baume de Tolu du Myroxylon toluifera
Il est obtenu après incision de l’écorce d’un arbre originaire de la province de Tolu en Colombie. L’huile essentielle de baume de tolu est de couleur brune, l’odeur est chaude, balsamique et vanillée. Elle est utilisée en parfumerie comme composant des parfums floraux.
Le baume est antiseptique et entrait dans la composition de sirops pectoraux.
Le labdanum du Ciste ladanifère (Cistus ladaniferus)
La gomme résine est extraite d’un arbuste buissonnant méditerranéen dont les feuilles portent des poils sécréteurs glanduleux. Leur éclatement donne une oléorésine appelée labdanum ou ciste-labdanum. Immergée dans l’eau bouillante, les rameaux et les feuilles laissent surnager la résine qui est décantée et coulée en bloc.
En parfumerie, le produit est utilisé pour son odeur musquée qui rappelle celle de l’ambre gris (produit issu du cachalot), c’est aussi un fixatif. La famille des parfums chyprés repose sur des notes de ciste labdanum, de bergamote, de mousse de chêne et de patchouli. L’atmosphère chypré est assez complexe et se compare aux senteurs des forêts automnales et de sous-bois.
L’huile essentielle est riche en monoterpènes, en alcools et acides. Elle est antivirale, immunostimulante et surtout hémostatique et cicatrisante.
Le gaïac
L’arbre (Gaiacum officinale) originaire de la Jamaïque et des Antilles est aussi appelé jasmin d’Amérique. L’exsudation de la résine est obtenue en chauffant le tronc. Le principe odorant est un composé phénolique, le gaïacol. L’essence est utilisée en parfumerie pour son odeur douce dans les compositions de rose.
L’élémi
Le Canarium luzonicum est un grand arbre des Philippines dont l’incision donne une gomme jaunâtre.
L’huile essentielle obtenue par distillation du résinoïde est riche en hydrocarbures dont le limonène associé à de l’élémol et de l’élémicine. Elle est indiquée dans les fatigues nerveuses, les atonies digestives .Son odeur est fraîche et épicée rappelant celle du citron.
Le galbanum (Ferula gummosa)
Il ne s’agit pas d’un arbre ou d’un arbuste mais d’une grande plante ressemblant à une apiacée, qui pousse exclusivement en Iran et produit une gomme traitée par extraction avec des solvants volatils ou par distillation. Elle est principalement utilisée en parfumerie pour son odeur verte.
(à suivre)
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