Les bois odorants (partie 3): arbre à thé, une leçon de bienveillance et l’art du kōdō

Les bois odorants 

Les portes de la forêt aux bois odorants se referment. Parvenu à l’orée, nous nous souviendrons longtemps de la leçon de bienveillance de ces arbres. Mais auparavant quelques mots sur les arbres à thé. Puis nous évoquerons une légende nahualt et un rituel japonais.

 

Les arbres à thé

Se retrouvant en Australie à la fin du XVIIIe siècle, les marins de l’expédition du Capitaine Cook observant les coutumes des autochtones utilisèrent les feuilles de Leptospermum comme succédané du thé. D’où la dénomination d’arbres à thé pour désigner toute une série d’arbres ou d’arbustes appartenant à la famille des Myrtacées.
Le principal arbre à thé utilisé en parfumerie est Leptospermum citratum dont l’essence est fortement citronnée. Elle est riche en citral et citronellal.
La distillation des feuilles aromatiques de Melaleuca quinquenervia originaire de Nouvelle-Calédonie ou de l’est de l’Australie, produit l’essence de niaouli (connue sous le nom de goménol) qui possède des propriétés antimicrobiennes et antiseptiques des voies respiratoires. Elle est riche en monoterpénols (terpinéol, 1,8 cinéol) et en sesquiterpénols (viridiflorol, nérolidol).
Ses indications sont larges : infections respiratoires et gynécologiques, affections virales (zona, herpès buccal, varicelle), prévention des brûlures par radiothérapie, plaies, psoriasis.
Sa tolérance est remarquable.
D’autres Melaleuca sont utilisés en aromathérapie dont le plus connu est le Tea-tree (Melaleuca alternifolia).

 

De la bienveillance

Tous ces arbres nous restituent sans contrepartie leurs précieux cadeaux sous forme de baume ou d’huile essentielle.
On n’a peut-être pas suffisamment insisté sur la souffrance de l’arbre qui nous offre une telle bienveillance. Pourtant, nous ne décelons aucune souffrance ni rancune de sa part au cours de l’olfaction d’un baume ou d’une huile essentielle qui en provient.

Pour mieux comprendre, revenons un instant au mode de production du baume du Pérou, tel qu’il est décrit, pour expliciter mon propos.
Le baume, nous l’avons vu, est originaire du Salvador mais transite par le Pérou d’où le nom. La récolte se fait sur un arbre âgé de 25 ans (le rendement est maximum à 60 ans puis décroît) pendant la saison sèche de chaude (de fin novembre à mi-juin) selon 2 protocoles.
– La méthode de l’écorce : un feu est allumé au pied de l’arbre pendant 10 minutes puis une semaine plus tard l’écorce qui est devenue souple est découpée à la machette : l’arbre est littéralement mis à nu. Des incisions sont ensuite pratiquées sur toute la hauteur de l’arbre afin d’atteindre probablement la sève élaborée. L’arbre est rebrûlé avec des torches afin d’activer le processus de réparation. Quant à l’écorce, elle est écrasée, pressée puis plongée dans l’eau bouillante afin de récupérer une première fraction du baume.
– La méthode des chiffons : des torchons en jute sont introduits dans les incisions et laisser 8 à 10 jours. Les chiffons imbibés de l’oléorésine sont retirés puis bouillis dans l’eau pendant une heure afin de récupérer une deuxième fraction du baume par pression.
Les deux fractions de baume sont ensuite réunies.
Chaque arbre subit jusqu’à 18 traitements par an.
Le baume correspond probablement à la sève élaborée ou à la sève élaborée modifiée par la cicatrisation. La sève brute chargée en eau et minéraux est une sève montante (comme la sève de  bouleau par exemple) ; la sève élaborée chargée en éléments complexes est la sève descendante (c’est vraisemblablement le cas du baume du Pérou).

À propos du baume, il existe une légende amérindienne  (nahualt) : le baumier aurait surgi du sol d’un champ de bataille où une princesse aurait été blessée. Son sang répandu sur la terre, l’arbre aurait poussé.

Au cours de l’olfaction attentive du baume on a pu parler de baume au cœur mais il s’agit bien là au sens baudelairien d’un cœur mis à nu.
Souhaitons que ces arbres trouvent auprès de leurs congénères un peu de réconfort face à la barbarie des hommes qui ne reculent devant aucun stratagème pour obtenir le précieux baume.

 

Les bois odorants et l’art du kōdō

Imprégné de sagesse, le kōdō (la cérémonie de l’encens) est l’art japonais d’apprécier, ou plutôt d’« écouter » les parfums. Lors de la cérémonie, les participants s’ouvrent aux fragrances exhalées par des bois parfumés.
Lorsque l’on utilise qu’une seule essence de bois, la cérémonie est appelée « itchûgiki » ou « kanshôkô ». Mais l’on pratique le plus souvent la cérémonie dite « kumikô » (fragrances combinées), au cours de laquelle on brûle les unes après les autres plusieurs essences, en s’imprégnant des rythmes et des harmonies qu’elles inspirent.

On retrouve dans la composition des encens japonais deux bois précieux : le bois d’Agar et le bois de Santal.
– Le bois d’Agar (Jinkoh) en est l’ingrédient le plus noble et le plus précieux.
– Le bois de Santal.
Outre les composés courants, souvent originaires d’Inde, les encens japonais utilisent des substances qui leur sont spécifiques comme le Haisokoh (racine d’une plante originaire du sud de la Chine), le Kara Mokkoh (racine d’une plante d’Asie occidentale), le Kansho (rhizome d’une plante aromatique de l’est de l’Inde), le Rei Ryokoh (sorte de menthe d’Asie centrale) ou encore le Daioh (racine d’un arbuste du Tibet).

Les dix vertus du kōdō sont les suivantes :

  1. 感格鬼神: Facilite la méditation, en transcendant les sens
  2. 清浄心身: Purifie le corps et l’esprit
  3. 能払汚穢: Élimine les pensées obsédantes et calme l’esprit
  4. 能覚睡眠: Réveille l’esprit et aiguise les sens
  5. 静中成友: Soigne le sentiment de solitude
  6. 塵裏愉閑: Calme le stress, en apportant un sentiment d’harmonie et de paix
  7. 多而不厭: Quand il abonde, en brûler beaucoup ne lasse pas
  8. 募而知足: Quand il manque, en utiliser peu est également satisfaisant
  9. 久蔵不朽: Ne se dégrade pas, même après une très longue durée
  10. 常用無障: Même une utilisation fréquente ne nuit pas

À une époque plus tardive, les bois odorants furent introduits dans des oreillers en laque. Ils servaient durant le repos à parfumer les cheveux et faire des rêves et peut être d’écouter les fleurs flottant dans la brise.
En nous aidant à nous poser, calmement, entièrement à l’écoute de chaque geste et de chaque odeur, la cérémonie du Kôdô est un voyage à travers nos sens.

 

Plus proche de nous, l’approche sensible des plantes et des huiles essentielles qui se nourrit des textes de Goethe est une autre porte qui ne coûte qu’à nous d’ouvrir.

 


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