Manger bio a-t-il un effet bénéfique sur la santé humaine ?
Le marché du « bio » est un secteur alimentaire qui croît rapidement, mais il est difficile d’analyser scientifiquement si la nourriture biologique a une valeur nutritive supérieure aux aliments cultivés conventionnellement.
Afin d’évaluer les avantages potentiels des aliments biologiques sur la santé, des biologistes de la Southern Methodist University (Dallas, États-Unis) ont effectué une étude sur la mouche de vinaigre, Drosophila melanogaster. Les résultats ont été publiés dans la revue en accès ouvert PLoS One, sous le titre « Organically Grown Food Provides Health Benefits to Drosophila melanogaster ».
Cette nouvelle étude met en lumière l’existence d’une influence positive de l’alimentation biologique sur la santé de la mouche de vinaigre
Les mouches ont été élevées avec un régime alimentaire consistant en aliments issus de l’agriculture conventionnelle ou avec des produits biologiques (bananes, pommes de terre, raisins secs, fèves de soja). Elles ont reçu une alimentation à base d’un seul de ces quatre aliments, pour éviter les risques de confusion liés à un régime mixte. Pour évaluer les effets de ces aliments, 4 groupes de 200 Drosophiles ont été constitués, recevant chacun l’un ou l’autre de ces produits durant l’intégralité de leur vie, ainsi que 4 groupes de contrôle constitués de 200 Drosophiles recevant également durant toute leur existence l’équivalent non biologique de l’un ou l’autre de ces aliments.
Les mouches ont ensuite été soumises à une série de tests destinés à évaluer leur santé générale.
Les mouches élevées avec des produits issus de l’agriculture biologique avaient une plus grande longévité et fertilité
Fait intéressant, les mouches nourries avec un seul type d’aliment avaient une espérance de vie et une fertilité réduites par rapport aux mouches nourries avec des aliments de laboratoire habituels. Ces données suggèrent que les mono-diètes ne représentent pas un régime alimentaire équilibré. Toutefois, cette observation a fourni une plate-forme pratique pour déterminer les effets sur la santé des aliments biologiques.
Les pommes de terre, les raisins et le soja biologiques ont eu un effet significatif sur la longévité des drosophiles, avec un accroissement respectif de la durée de vie médiane de 38%, 20% et 75% (la durée de vie médiane correspond à l’âge qu’un individu a une chance sur deux de dépasser). En revanche, les bananes biologiques n’ont eu aucun effet significatif sur la durée de vie médiane des drosophiles, laquelle est restée équivalente à celle des drosophiles nourries de produits non biologiques.
Concernant la fertilité, les résultats sont améliorés pour les quatre aliments testés : pendant toute leur (courte) existence, les drosophiles nourries avec l’un ou l’autre de ces quatre produits biologiques ont pondu un nombre d’œufs par jour systématiquement plus élevé que les drosophiles recevant de la nourriture non biologique.
Sur certaines sources alimentaires, une plus grande activité et une plus grande résistance au stress ont été observées
Le rythme circadien et l’activité spontanée des mouches a été mesurée. Aucune différence dans les habitudes circadiens ou l’activité durant les phases de repos réguliers n’a été observée, mais les mouches nourries avec du raisin ou de la banane bio affichaient une activité plus élevé pendant les périodes régulières d’activité.
Comment expliquer l’influence positive des aliments biologiques sur la longévité et la fertilité des Drosophiles ?
Les données montrent que les mouches élevées avec des aliments biologiques ont dans l’ensemble obtenu de meilleurs résultats sur la plupart des tests de santé. Les Drosophila élevés avec des aliments biologiques ont mieux réussi 13 de 17 essais indépendants (15 sur 19 si les données d’activité sont prises en compte). Fait intéressant, la quasi-totalité des résultats négatifs ou neutres ont été obtenus en utilisant les régimes de raisin, ce qui suggère que les effets bénéfiques pour la santé d’une alimentation bio dépendent de l’aliment spécifique, ce qui peut expliquer en partie les résultats contradictoires de la littérature. Plus important encore, les mouches nourries de fruits bio ont montré des améliorations sur les mesures les plus significatives de la santé : la fertilité et la longévité (sauf pour la banane bio : augmentation de la longévité de 8%, ce qui n’est pas statistiquement significatif).
Evidemment, l’hypothèse qui vient spontanément à l’esprit est que les aliments biologiques contiennent une quantité accrue de nutriments, améliorant de ce fait le métabolisme des Drosophiles, et par voie de conséquence leur longévité et leur fertilité.
Pour tester la validité de cette hypothèse, les chercheurs ont mis au point un nouveau protocole : après une première phase de nourrissage, ils ont affamé les drosophiles de chaque groupe afin d’évaluer leur taux de survie.
Mais, surprise : Si les drosophiles nourries de pommes de terre bio ont présenté un taux de survie significativement meilleur que celles ayant été alimentées avec des pommes de terre issues de l’agriculture conventionnelle (augmentation de 33 % de l’espérance de vie maximale), c’est en revanche tout l’inverse avec les mouches ayant reçu du raisin biologique, puisqu’elles ont présenté une espérance de vie maximale inférieure de 30 % à celles ayant été nourries de raisin conventionnel.
Peut-on extrapoler les résultats de cette étude à l’homme ?
La mouche de vinaigre est un modèle animal souvent utilisé par les scientifiques pour toutes sortes d’expérimentations, et notamment celles portant sur les mécanismes cellulaires du vieillissement.
Pour autant, les résultats ne peuvent pas être appliqués totalement à l’homme, sans d’autres études plus poussées.
Les enquêtes sur la teneur en nutriments des aliments biologiques ont fait état desquantités de vitamines, de caroténoïdes, d’acides gras insaturés et de polyphénols augmentés (« Comparison of nutritional quality between conventional and organic dairy products: a meta-analysis », publiée en 2012 dans le Journal of the Science of Food and Agriculture, « The influence of organic and conventional cultivation systems on the nutritional value and content of bioactive compounds in selected tomato types » publiée en 2012 dans le Journal of the Science of Food and Agriculture).
Johannes H. Bauer et ses collègues rappellent également que de précédentes études ont mis en évidence le fait que les produits issus de l’agriculture biologique contenaient un taux moins élevé de nitrates (provenant de l’épandage d’engrais) et de pesticides, un facteur qui selon ces chercheurs pourrait expliquer la longévité accrue des Drosophiles nourries avec des aliments biologiques.
Toutefois, la situation est moins claire lorsque sont évalués les effets de la nourriture biologique sur la santé. Les problèmes sont liés au transport et au stockage des aliments, au pourcentage de produits bio dans l’alimentation des consommateurs et à la nature des aliments bio consommés. Ces complications sont reflétées dans une méta-analyse de 50 années de données qui n’ont pas trouvé de corrélation statistiquement significative entre la consommation accrue d’aliments biologiques et l’amélioration de la santé.
Faut-il en conclure que manger bio est meilleur pour la santé ?
En l’état, il faut bien reconnaître qu’ils ne permettent pas de se prononcer.
Mais l’agriculture biologique vise à préserver le sol et la santé des écosystèmes en renonçant à l’utilisation massive d’engrais et de pesticides. Sur l’homme, les effets néfastes des pesticides peuvent concerner la perturbation du système neuroendocrinien, de la fonction immunitaire ou le risque augmenté de cancer, selon la catégorie de pesticides. Et l’exposition prénatale ou pendant l’enfance peut aggraver ces effets. Il a été démontré que les enfants qui consomment une alimentation principalement bio ont des niveaux presque non détectables de métabolites de pesticides organo-phosphorés, ce qui suggère un point de départ pour étudier les mécanismes moléculaires des avantages potentiels des aliments biologiques pour la santé.
Cependant, on sait très peu sur les effets réels de la nourriture biologique sur la santé.
Ce que l’on sait, c’est qu’une tomate que l’on cueille dans le jardin aura un bien meilleur goût que celle élevée hors sol, qu’un poulet ayant picoré de l’herbe aura plus d’oméga-3 que celui élevé en batterie et que l’odeur d’une vraie fraise nous transportera de joie.
Et au-delà de toute étude scientifique, manger bio et le plus naturel possible restera un acte d’attachement à la terre et à ses valeurs d’authenticité.
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