L’Académie recadre durement les médecines douces

Article de choc paru le 09 mars, qui montre tout le chemin qu’il reste à parcourir pour arriver à la reconnaissance des thérapies naturelles par l’establishement.

« Certaines thérapies complémentaires ont un intérêt modeste et dans des cas limités », précise un rapport de l’Académie nationale de médecine.

Médecin 1C’est à un recadrage en règle que s’est livrée l’Académie nationale de médecine à travers son rapport adopté le 5 mars sur les thérapies complémentaires. Entendez les médecines douces, encore appelées parfois « médecines parallèles » ou alternatives. Un très mauvais terme qui entretient la confusion dans l’esprit du public, de même que le terme « médecine traditionnelle », qui laisse à penser qu’une pratique ancienne est forcément bénéfique pour la santé. « Nous avons choisi le terme “thérapies complémentaires”, car ces pratiques ne constituent pas une médecine à elles seules », explique le Pr Daniel Bontoux. « Pour nous, insiste-t-il, il n’y a qu’une seule médecine. La médecine scientifique. » Comme le Conseil de l’ordre des médecins, l’Académie craint les abus et les dérives sectaires.
Malheureusement, le rapport est circonscrit à quatre thérapies complémentaires : l’acupuncture, la médecine manuelle (ostéopathie et chiropraxie), l’hypnose et le tai-chi.
Pourquoi un choix aussi limité ? « Nous voulions entrer dans ce sujet sensible de façon aussi précise que possible », justifie le Pr Daniel Couturier. Ces quatre pratiques sont celles, précise le document de l’Académie, « qui sont à la fois les plus riches en publications indexées et celles que privilégie l’AP-HP (Assistance publique des hôpitaux de Paris) ».
En fait, tous les CHU se sont ouverts aux thérapies complémentaires et les pratiques s’immiscent sans bruit dans de nombreux hôpitaux. Signe plutôt positif : le malade est envisagé dans sa globalité et non plus seulement à travers un filtre scientifique trop réducteur.

« Mais cela rend légitime de s’interroger car, hors le cadre de la recherche, ne peuvent être utilisées en médecine que des techniques éprouvées », rappelle le Pr Bontoux. En effet, théoriquement, un médecin qui voudrait proposer à un patient une thérapie non reconnue par la médecine officielle ne peut le faire que dans le cadre d’un protocole de recherche dûment déposé et approuvé par un « comité de protection des personnes ». Une obligation dont ni les médecins ni les hôpitaux ne peuvent s’exonérer. Il n’est pas évident que la règle soit toujours respectée.

Afin d’éviter tout retard de diagnostic ou perte de chance pour les patients, l’Académie insiste au minimum pour que ces approches ne soient envisagées qu’après le diagnostic d’un médecin. Une condition sine qua non, selon le Dr Nathalie Rapoport-Hubschman, chef du département de psychologie médicale du Rabin Medical Center, près de Tel-Aviv. « Il faut d’abord être certain que l’on ne passe pas à côté d’une pathologie qui nécessite une prise en charge traditionnelle (intervention chirurgicale, chimiothérapie…) », précise-t-elle.
Attention aussi aux amalgames. Il ne faudrait pas imaginer qu’une pratique reconnue l’est automatiquement dans toutes ses prétentions. Un glissement conceptuel souvent fait par les malades. Le rapport de l’Académie détaille d’ailleurs les indications (situations médicales anormales) dans lesquelles certaines thérapies complémentaires peuvent être envisagées. « Ces approches sont légitimes lorsqu’elles apportent un petit plus démontré dans des études scientifiques rigoureuses », souligne le Pr Bontoux. Deux exemples cités par l’académicien : « L’hypnose, susceptible de réduire la douleur de certains gestes diagnostiques ou thérapeutiques, et l’acupuncture contre les nausées et vomissements induits par certaines chimiothérapies. »

 

Les médecines complémentaires n’ont-elles finalement qu’un effet placebo, ce bienfait ressenti lorsque l’on croit prendre un traitement efficace alors qu’il ne s’agit en fait que d’un produit inactif ? Ce n’est pas l’avis du Dr Rapoport-Hubschman : « Pour certaines approches, les travaux scientifiques nous montrent que l’effet positif est bien plus qu’un effet placebo. Il existe un effet physiologique direct de traitements tels que l’acupuncture, l’hypnose, le tai-chi, la méditation. »

Dans un ouvrage de référence publié l’an dernier aux Éditions Odile Jacob, Apprivoiser l’esprit, guérir le corps, cette spécialiste recense des dizaines d’études solides démontrant l’influence du stress et des émotions sur la santé. « La maladie est toujours multifactorielle, mais il n’y a plus aucun doute sur le fait que le stress et les émotions font partie des facteurs qui peuvent déclencher ou aggraver de nombreuses pathologies en synergie avec des facteurs génétiques ou environnementaux », confie-t-elle.
Si l’on peut regretter que l’Académie ait réduit son champ d’analyse à quatre médecines douces seulement, il faut se réjouir de cette remise à plat. Comme le rappelait le Pr Simon Schraub, cancérologue, dans le bulletin de l’Ordre de septembre 2012 :« De l’homéopathie capable de guérir le cancer, cela n’existe pas ! » »

Damien Mascret

  • Article publié dans « Le Figaro » du 09 mars
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