L’homéopathie et les thérapies complémentaires dérangent-elles ?

Je suis tombée aujourd’hui sur une tribune dans un journal de couverture nationale. J’ai eu une sensation de surréalisme. Un ton péremptoire et revendicatif, et des insultes qui fusent : « charlatans », « trompeurs », « dangereux », « ayant perdu l’éthique », « surmédicalisant la population », « représentants de commerce d’industries peu scrupuleuses »… Deviner contre qui s’insurgent-ils ? Contre le Mediator ? Le distilbène ? L’isoméride ? L’hormone de croissance ? Le sang contaminé ? L’amiante ? Les pesticides ?
Que non, que non. Vous n’y êtes pas. Ce grand monstre cupide et criminel est… l’HOMÉOPATHIE en particulier et les thérapies complémentaires en général.

C’est une tribune portée par 124 médecins qui fulminent. Je ne sais pas pour vous, mais moi, cela me fait penser à George Orwell, vous savez, « 1984 » et « La ferme des animaux »… (Petit aparté : si vous ne les avez pas lus, il est temps, vraiment.)

Alors, que reprochent-ils aux thérapies complémentaires ?

 

Ils souhaitent que les médecins offrent « les meilleurs soins possibles et de la façon la plus honnête. Ces deux exigences imposent de chercher sans cesse à améliorer ses connaissances, et d’informer ceux qui font appel à ses soins sur ce qu’il peut raisonnablement proposer, ainsi que sur ce qui est inutile ou contre-indiqué. »
Jusque-là tout va bien. Je pense aussi que ce qui compte est que les gens aient les meilleurs soins possibles, et que les soignants se doivent de s’informer constamment des avancées de la science.

Mais c’est ensuite que ça se complique.
Ils disent : « Il est facile et valorisant d’afficher son savoir. Il est bien plus difficile d’expliquer et d’accepter ses limites. La tentation peut alors être grande de pratiquer des soins sans aucun fondement scientifique. Cette tentation a toujours existé. Elle a été, et est toujours, nourrie par des charlatans en tout genre qui recherchent la caution morale du titre de médecin pour faire la promotion de fausses thérapies à l’efficacité illusoire. »
Traiter un médecin de charlatan est une insulte grave. Utilisé dans l’autre sens, donc depuis les médecins employant des méthodes alternatives envers les soutenants du « tout allopathique », elle donnerait droit à des poursuites.

 

Thérapies complémentaires : croyances, ésotérisme, efficacité

« Face à des pratiques de plus en plus nombreuses et ésotériques, et à la défiance grandissante du public vis-à-vis de la médecine scientifique, nous nous devions de réagir avec force et vigueur. » Comment ça, réagir avec plus de vigueur ? En interdisant l’esprit critique ?
Cette érosion de la confiance du public ne mérite-t-elle pas d’être prise en compte ? Peut-être ces gens se tournent-ils vers des thérapies complémentaires parce que la médecine occidentale actuelle n’a pas réponse à tout ? Ou alors il faudrait peut-être assainir l’industrie pharmaceutique et faire en sorte à ce que des scandales n’aient plus à éclater ? Ou alors il faudrait peut-être travailler main dans la main avec TOUS ceux qui souhaitent le bien des malades ? Ce sont des questions qui, au lieu d’être balayées d’un revers de la main, devraient donner suite à une réflexion, dans la mesure où il serait péremptoire de considérer que qui que ce soit (médecins allopathiques ou alternatifs) puisse avoir la science infuse ou qu’il détient la vérité.

« L’homéopathie, comme les autres pratiques qualifiées de « médecines alternatives » […] sont basées sur des croyances promettant une guérison miraculeuse et sans risques. » Je me trompe peut-être, mais je ne pense pas qu’il y ait des homéopathes qui garantissent une guérison miraculeuse ; en général, ils parlent de rééquilibrage, de faire attention à son mode de vie, de s’alimenter… Ce n’est pas ce que j’appellerais miraculeux. C’est même tout le contraire de la tendance à aller chez le médecin pour éliminer tout symptôme à coups de médicaments : mal à la tête, une pilule ; mal dormi pendant 3 nuits, somnifère ; un peu de fièvre, antibiotique…

 

« Les thérapies dites « alternatives » sont inefficaces au-delà de l’effet placebo, et n’en sont pas moins dangereuses. » Là, il faudrait être cohérent : soit elles sont inefficaces au-delà de l’effet placebo, soit elles sont dangereuses. Le simple fait de parler de dangerosité implique une activité ! Mais ils précisent :

  • « Dangereuses, car elles soignent l’inutile en surmédicalisant la population et en donnant l’illusion que toute situation peut se régler avec un « traitement ».»

Alors là, j’avoue que je suis bluffée ! Ça, il fallait oser le dire ! Vous en connaissez, vous, des gens surmédicalisés avec de l’homéopathie ? Ayant eu une hospitalisation suite à un traitement homéopathique ? Dans le rapport déposé par la commission des affaires sociales de l´Assemblée en conclusion des travaux de la mission sur le Mediator et la pharmacovigilance, le député Roland Muzeau indique : « On estime dans notre pays à 150 000 le nombre d’hospitalisations annuelles liées à des accidents médicamenteux et de 13 à 18 000 le nombre de morts provoquées par des médicaments. ». Et cela continue : Mais « il ne faut pas oublier que ces résultats ne reflètent qu’une partie du problème. En effet, ils ne prennent pas en compte tous les aspects de la iatrogénie médicamenteuse en particulier des décès qui ne sont pas hospitalisés, des hospitalisations dans les services de chirurgie ou dans des établissements privés et enfin des effets indésirables graves survenant au cours d’une hospitalisation. ». En outre, il faut tenir compte de « la sous-notification ne permettant pas d’avoir le reflet des cas réellement survenus ». Oups !

  • « Dangereuses, car elles alimentent et s’appuient sur une défiance de fond vis-à-vis de la médecine conventionnelle comme le montrent les polémiques injustifiées sur les vaccins.»

Ah, ça… Sans commentaires.

 

Du prix des thérapies complémentaires

« Ces pratiques sont également coûteuses pour les finances publiques. » Là, j’avoue, je calle. Parce que, tenez-vous bien :

  • « Des formations sont assurées dans des structures recevant de l’argent public. Des consultations sont ouvertes dans des hôpitaux, aux dépens d’autres services. Certains de ces traitements sont pris en charge par l’assurance maladie largement déficitaire. »

Et puis, horreur !

  • « Ainsi, les produits homéopathiques peuvent être remboursés à 30% (et jusqu’à 90% en Alsace-Moselle) »

Eh bah voilà qui explique le trou de la Sécu ! Comment n’y a-t-on pensé plus tôt ? Faisons le calcul : prix d’un tube d’homéopathie : autour de 2 €, taux de remboursement : 30%, prélèvement par unité prescrite : 0,50 euros. Résultat : opération blanche : ça ne coûte pratiquement rien à la Sécu !

  • « Ceci finance une industrie prospère »

C’est vrai qu’à force de vendre des tubes de granules… Salopards de Boiron et & qui s’enrichissent sur le dos de la Sécu ! Ce n’est pas comme les pauvres laboratoires qui peinent à survivre ! Style :

 

Qu’en dites-vous ? A mon avis, ça ne ressemble pas aux résultats de Boiron !

 

Leur conclusion sur les thérapies complémentaires ?

 

« De ces pratiques qui ne sont ni scientifiques, ni éthiques, mais bien irrationnelles et dangereuses, nous souhaitons nous désolidariser totalement.

Nous demandons instamment au Conseil de l’Ordre des Médecins et aux pouvoirs publics de tout mettre en œuvre pour :

  • Ne plus autoriser à faire état de leur titre les médecins ou professionnels de santé qui continuent à les promouvoir.
  • Ne plus reconnaître d’une quelconque manière les diplômes d’homéopathie, de mésothérapie ou d’acupuncture comme des diplômes ou qualifications médicales.
  • Ne plus faire produire en Faculté de Médecine ou dans les établissements de formation de santé, des diplômes appuyés sur des pratiques dont l’efficacité n’aura pas été scientifiquement démontrée.
  • Ne plus rembourser par les cotisations sociales les soins, médicaments ou traitements issus de disciplines refusant leur évaluation scientifique rigoureuse.
  • Encourager les démarches d’information sur la nature des thérapies alternatives, leurs effets délétères, et leur efficacité réelle. »

On se croirait à l’époque de l’Inquisition !

 

Et ça finit en beauté, car ils demandent à ce qu’on exige « de l’ensemble des soignants qu’ils respectent la déontologie de leur profession, en refusant de donner des traitements inutiles ou inefficaces ». Là encore, je suis d’accord : quid donc des conflits d’intérêts ? Donc des contrats conclus entre des firmes et certains acteurs de santé qui fournissent des prestations en échange d’une rémunération financière : exposés scientifiques publics, actions de « formation », productions de conseils, consultances diverses et collaborations à la recherche clinique ? Orwell, je vous dis.

 

Bon, il ne me reste qu’à vous souhaiter de rester vigilants et informés pour pouvoir choisir en connaissance de cause les praticiens qui, comme le souhaite le rapport, font « preuve de pédagogie et d’honnêteté envers leurs patients » et proposent « une écoute bienveillante ».

 

4 réponses
  1. Philippe BAUDRY
    Philippe BAUDRY dit :

    Merci pour ces belles réflexions. On croirait vraiment marcher sur la tête aujourd’hui. Cette chasse aux sorcières et sorciers de la médecine naturelle risque d’entraîner rapidement les mêmes mesures que dans d’autres pays : déremboursement de l’homéopathie et bientôt la mise à l’échafaud de tous ceux qui veulent se soigner naturellement. Dans le pays de la Liberté de l’Egalité et de la Fraternité, cela fait un peu désordre.

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    • Alina
      Alina dit :

      Totalement d’accord, Philippe. D’ailleurs, même l’OMS, dans son dernier rapport concernant la stratégie 2014-2023 pour les médecines traditionnelles préconise entre autres: « Aujourd’hui, de nombreux pays reconnaissent la nécessité d’adopter une approche cohésive et intégrative des soins de santé ». Et pour moi, le progrès passe par cette médecine intégrative, où tout est fait en fonction de la personne, pour son plus grand bien.
      J’ai mis le lien ici: http://apps.who.int/medicinedocs/documents/s21201fr/s21201fr.pdf

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  2. Sandrine
    Sandrine dit :

    Salut Alina
    Ton article est vraiment très intéressant. C’est absolument dingue ce qu’ils peuvent dirent des médecines naturelles, et notamment de l’homéopathie. Pour exemple, j’ai réussis à stopper des otites à répétition chez mon fils quand il avait 1 an grâce à l’homéopathie. Alors que les antibiotiques n’avaient pas réussit à le soigner. Et qu’on ne viennent pas me parler de placebo ! Alors je te soutiens à 100%
    Bises

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    • Alina
      Alina dit :

      Merci Sandrine,
      J’en suis persuadée, je le vis tous les jours avec les personnes que j’accompagne en consultations ou en formations. Toi aussi es bien placée pour le savoir, non seulement pour l’homéopathie, mais aussi pour l’aromathérapie 🙂
      Quant au placebo, en admettant que c’est QUE du placebo, à la limite: quelle importance du moment que ça marche sans effets indésirables? Quel est le but recherché? A mon avis, c’est d’aider la personne malade. Donc si elle est soignée, où est le problème? Faut-il absolument qu’il y ait des effets secondaires indésirables pour admettre son efficacité?
      Et on revient à une question de principe: que met-on au centre de notre action, le malade ou le médicament?

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