Paracelse

Paracelse, des quatre éléments de la Nature à l’épigénétique

 

Dans l’atelier de Paracelse

Nous sommes à Salzbourg au début du XVIème siècle. Les ruelles dans la vieille ville assoupie sont sombres. La nuit ne va pas tarder à tomber. Au bout de notre regard une lumière nous attire. Nous nous approchons. Par la fenêtre nous distinguons un homme devant un alambic. Cet homme, c’est Paracelse.

Paracelse est plongé dans une profonde réflexion. Il sait que son savoir ne provient pas d’une culture livresque. Ce n’est pas un docte mais Paracelse a côtoyé au cours de ses voyages maints barbiers de village, bonnes femmes ou demi-sorcières. Il a compilé les pratiques populaires. Il est avide de tout connaître, il est devenu un homme de métier, de la pratique pas un savant ou un homme d’étude.
Depuis peu, il s’est arrêté à Salzbourg.
Paracelse observe le processus de distillation : dynamisée par le Feu, l’Eau pénètre la matière première végétale (la Terre) pour un extraire la quintessence, l’âme de la plante selon la Tradition : l’huile essentielle et l’hydrolat recueillis puis séparés. Cette quintessence, Paracelse l’appelle le principe vital de la plante.

Paracelse songe aux quatre éléments, l’un des grands enseignements de la Tradition.

 

Avec Paracelse, nous sommes à un tournant. Son œuvre immense est encore mal comprise de nos jours, elle est imprégnée d’idées fortes, nouvelles pour son époque. Elle ouvre la voie à l’expérimentation, à l’extraction des principes actifs de la matière médicale. L’œuvre est remplie de magie propre à la Renaissance, d’alchimie, d’astrologie mais sape déjà l’orthodoxie médicale scolastique, sclérosée, de son temps. Paracelse initie ainsi le tournant de la médecine galéniste qui s’égare lentement dans des arguties sans fin vers la médecine moderne. Paracelse est un homme de confluence.

 

L’aromathérapie à la confluence de la Science et de la Tradition

Quelle chance de s’intéresser à l’aromathérapie cinq siècles après Paracelse ! Là encore, nous sommes dans une confluence. Celle entre la Science et la Tradition.
La démarche scientifique par la rigueur de la pensée et la précision des moyens techniques modernes a permis la renaissance de l’aromathérapie au siècle dernier. L’approche analytique, biochimique a donné un cadre aux thérapeutes avec des résultats attendus, ciblés.
La Tradition est certes empirique, intuitive mais elle intègre l’homme dans son environnement et les lois qui régissent la vie, sa vision est holistique, globale.

 

Les 4 éléments de la Nature

Selon la Tradition, la structure de toute organisation de la Vie sur Terre est quadridimensionnelle : ne parle-t-on pas des 4 saisons, des 4 points cardinaux et des 4 éléments de la nature : la Terre, l’Eau, le Feu et l’Air. Ces 4 éléments sont à rapprocher des 5 principes de la médecine traditionnelle chinoise où nous retrouvons le feu, l’eau, la terre mais aussi le bois et le métal. En Inde les auteurs védiques retiennent encore le feu, l’eau et la terre auxquels ils ajoutent le vent, le vide et… le temps.
Tous ces éléments interagissent entre eux en s’additionnant ou en se soustrayant.

La loi des 4 éléments, à condition d’éviter toute approche occulte, permet d’appréhender la façon dont la vie se structure et s’anime.

Ainsi, si la Terre est considérée comme le socle sur lequel la vie peut matériellement s’appuyer, l’Eau intervient dans le transfert des éléments nutritifs en le favorisant. L’Air est le premier niveau de la dimension énergétique des êtres vivants. Il intervient dans la mobilité et l’indépendance. Enfin, le Feu est le second niveau énergétique, l’expression de Soi. Il est unifiant.

 

La dimension ternaire de l’homme

Le deuxième enseignement de la Tradition est la dimension ternaire de l’homme, en équilibre dans son environnement. Cette façon dynamique de concevoir la vie (l’homme est placé entre la Terre et le Ciel) découle là encore de la médecine traditionnelle chinoise. La pensée orientale considère l’homme comme un modèle réduit de l’univers issu de la convergence des Qi du Ciel et de la Terre (nous verrons qu’au niveau cellulaire on retrouve ce même modèle, ce qui a permis à Goethe de dire : « Tout ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, et tout ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, pour la plus grande gloire de l’unité »).

 

Dans cette acceptation, les fonctions vitales de l’organisme humain se comprennent selon 3 plans complémentaires.

En partant de la Terre, le premier étage que nous rencontrons est celui de la spécification. Cet étage que nous qualifions d’inférieur est celui qui définit les caractéristiques d’un individu c’est-à-dire son bagage génétique, sa mémoire ou son système immunitaire. Il s’agit bien du socle, d’une sorte d’enracinement au monde où se logent les forces de vie et de transmission de celle-ci.

L’étage moyen est celui de l’assimilation des éléments nutritifs, il est le siège de la métabolisation.

Enfin l’étage supérieur est celui de la communication. Il est animé par le cœur et les poumons caractérisés par leur dynamique rythmique : inspiration/expiration, systole/diastole.

 

La synthèse des 4 éléments et des 3 foyers de l’homme a donné des mises en perspective par différents auteurs au cours du siècle dernier : notamment les travaux de Philippe Mailhebiau et Jean-Michel Beghin qui ne peuvent faire l’objet d’un développement  dans le cadre de cet article.

 

L’homme et son environnement, une approche contemporaine : l’épigénétique

Pour revenir à la médecine traditionnelle chinoise dont le concept de base est l’équilibre qui se créé entre l’homme et d’une part des forces endogènes de vie (que l’on appellerait aujourd’hui hérédité ou défenses immunitaires ou encore force mentale) et d’autre part les forces exogènes qu’exercent sur lui les forces environnementales (c’est-à-dire les virus, le changement climatique, les émotions, le stress ou les agressions) autrement dit la Terre et le Ciel, ce que nous appelons l’état de santé est le résultat entre un bon équilibre des forces, et celui de maladie sa rupture.

Parler d’interactions entre l’homme et l’environnement, c’est aujourd’hui ouvrir les portes de l’épigénétique, autre point de confluence entre une Science de pointe et l’enseignement de la Tradition.

 

Que nous dit l’épigénétique ? Ou comment s’organise ou s’anime la vie dans l’être humain ? L’homme est-il prédéterminé par ses gènes ? L’environnement intervient-il et de quelle façon, qu’en est-il du libre arbitre ? Peut-on même parler de libre arbitre dans la mesure où il devient difficile de dissocier l’homme de son environnement ?

L’épigénétique est l’étude des mécanismes moléculaires par lesquels l’environnement contrôle l’activité des gènes. Les facteurs épigénétiques influencent le développement sans toucher à la séquence des nucléotides du génome d’un individu : il n’y a pas altération de la séquence d’ADN mais des méthylations ou des changements des histones, ces protéines sur lesquelles l’ADN s’enroule pour former la chromatine. On parle de marques épigénétiques qui jalonnent le génome en des sites précis, modulant l’action des gènes sur ces sites. Certaines de ces marques sont transitoires comme si l’épigénome permettait aux individus d’explorer rapidement une adaptation à une modification de l’environnement sans pour autant chercher dans un premier temps à le graver dans le génome, d’autres pérennes et se transmettent longtemps après le signal inducteur. L’activation ou la répression de l’expression d’un gène peut ainsi être déclenchée par le milieu ambiant. La connaissance seule de la séquence de l’ADN ne suffit pas à expliquer comment les gènes fonctionnent.

 

La conscience

Les études en épigénétique tendent à montrer le rôle primordial de la membrane cellulaire dans les interactions avec le milieu ambiant. La présence de protéines réceptrices (les récepteurs membranaires) assurent la conscience ou, il serait plus juste de dire à ce stade, la prise en compte de l’environnement, tandis que dans le milieu intracellulaire des protéines effectrices, expression du gène activé sont la réponse à cette stimulation du milieu extérieur.

Les cellules de notre corps formeraient un ensemble d’organismes individuels qui ont au fil du temps développé des stratégies d’entraide. Former un ensemble revient à accroître la conscience de façon exponentielle et plus un organisme devient conscient de son environnement, meilleures sont ses chances de survie.

Selon James Lovelock à une autre échelle, l’hypothèse Gaïa fait de la Terre et de la totalité des espèces qui l’habitent un vaste organisme en interaction selon le même schéma.

 

Finalement entre la cellule, l’organisme humain, le cosmos… c’est juste une question d’échelle mais c’est le même schéma basé sur la conscience de l’environnement. Que nous disait Goethe toute à l’heure, répétons-le :
« Tout ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, et tout ce qui est en bas est comme ce qui est en haut, pour la plus grande gloire de l’unité. »

Ne plus être conscient de l’environnement et c’est la rupture d’un équilibre, c’est la prolifération des cellules cancéreuses, le changement climatique.

 

À la fin de sa vie, Paracelse, rédigeant « La Grande Astronomie », voyant l’homme comme un composé à la fois céleste et terrestre, écrivait : « Dieu après avoir créé le grand monde (le macrocosme) a formé le petit monde (le microcosme). L’homme est ce petit monde qui contient toute les qualités du grand monde. ». Quant aux trois corps de l’homme, Paracelse distingue un corps physique visible fait de sang et de chair, un corps sidéral invisible où réside l’entendement et un corps glorieux siège de l’âme.

La Terre et le Ciel, les 3 foyers de l’homme, étonnante modernité chez ce penseur méconnu.

Cet article reprend les travaux de Michel Faucon dont il convient de lire attentivement le Traité d’aromathérapie scientifique et médical.

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3 réponses
  1. Pr S. Feye
    Pr S. Feye dit :

    Bonjour,
    Je vous signale à tout hasard que les Editions Beya (Belgique) publient des merveilleux ouvrages de Paracelse qui est trop peu connu. Le dernier en date est celui des Météores, traduit par mes soins.
    Cordialement.
    Pr Stéphane Feye
    Schola Nova (non soumise au décret inscriptions) – Humanités Gréco-Latines et Artistiques
    http://www.scholanova.be
    http://www.concertschola.be
    http://www.liberte-scolaire.com/…/schola-nova
    http://online.wsj.com/news/articles/SB10001424052702303755504579207862529717146

    Répondre
    • Alina
      Alina dit :

      Bonjour et merci pour votre commentaire.
      Paracelse est effectivement une personnalité injustement méconnue, et les scientifiques et les philosophes actuels gagneraient à s’y intéresser de plus près. Et nous aussi d’ailleurs.

      Répondre

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